lundi 19 janvier 2015

2014, année des reccords, et 2015 est encore à venir....

La nouvelle a été commenté dans les divers journaux, l'année 2014 est officiellement l'année la plus chaude qu'il soit à la surface du globe. Cependant, il ne s'agit pas du seul seul record cette année. L'Europe a également connu une année extraordinairement chaude, marquée par la succession de violents épisodes pluvieux. En Californie et au Brésil, la sécheresse a durement frappé. Tout ces événements traduisent l'évolution rapide de notre climat, et menacent de plus en plus la stabilité de notre civilisation. Ici, nous ramasserons tout les records qui sont tombés, afin de vous présenter une vue synthétique de l'année météorologique 2014.

Anomalies des températures en surface par rapport à la normale du 20ème siècle. Crédit image, Goddard Institute for Space Study, National Aeronautic and Space Administration : GISSTEMP NASA


ENSO - El Nino Southern Southern Oscillation

ENSO


ENSO signifie El Niño Southern Oscillation. Pourrait-on commencer un article avec un acronyme encore plus incompréhensible ? Pour comprendre, nous allons devoir parler des tropiques, et de son plus grand océan, le Pacifique tropical.

Les tropiques

En géographie, nous savons que les tropiques ont avant tout une définition géographique. Ils se situent par 23°26' S pour le tropique du Cancer et 23°26' N pour le tropique du Capricone. Cette image montre les deux tropiques en bleu foncé et l'équateur en bleu clair :

Du Nord au Sud, tropique du Capricorne (bleu foncé), équateur (bleu clair) et tropique du Cancer (bleu foncé). Source Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Tropique


Cependant pour les scientifiques de l'atmosphère, une telle définition n'est pas satisfaisante. Les tropiques ont une définition moins "tranché", plus "flou", au sens où il ne s'agit pas d'une ligne de démarcation claire. Les tropiques en météorologie sont défini suivant la cellule de Hadley. Cependant cela ne nous avance guère. Qu'est ce que la cellule de Hadley ?

Cellule de Hadley


Les tropiques sont baigné de Soleil, et ce sont des régions qui chauffent fortement en toute saison. L'air chaud et humide s'élève au niveau de la Zone de Convergence Intertropical (ZCIT ou ITCZ en anglais), qui est en quelque sorte l'équateur météorologique. Puis cet air diverge et circule ver les Pôles. Cependant, la rotation de la Terre vient compliquer un peu la situation. La boucle de la cellule de Hadley n'est donc pas strictement méridional (ie. du Nord au Sud) mais vrille en trois dimensions. Vers 30°N, l'influence de la rotation devient si importante que l'air circule d'Ouest en Est. Au delà de ces latitudes, c'est les moyennes latitudes et la dominance du flux d'Ouest. L'air est donc forcé vers 30° de latitude Nord et Sud de ferme la boucle. Une subsidence (une "redescente" de l'air) de grande échelle avec des régions anticycloniques permanentes. Celles-ci engendrent les grands déserts, tel que le Sonora, le Sahara, le Karakum, le Kalahari, le désert australien, et tant d'autres encore.

Les déserts du monde, source wikipedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Desert

Pour illustrer :

Schéma simplifié de la cellule de Hadley (Hadley Cell). Les alizés (trade wind) sous les tropiques et les vents d'ouest (westerlies) sont représentés. Source Comet Program : http://www.meted.ucar.edu/tropical/textbook_2nd_edition/print_1.htm  (inscription -gratuite- requise)

Autour de ces anticyclones, les vents tournent dans le sens des aiguilles des montres dans l'Hémisphère Nord, et dans le sens contraire dans l’Hémisphère Sud. Les vents dominants dans les tropiques soufflent ainsi de l'Est ou Nord Est, vers l'Ouest ou le Sud Ouest. Ils sont nommés alizés et par des phénomènes assez complexe, forment l'ITCZ, l'équateur météorologique. Nous avons l'impression que les alizés convergent (impression renforcé par le schéma ci-dessus), mais la réalité est un peu plus subtil. Cette réalité un peu plus subtil explique notamment que l'équateur météorologique ne correspondent que rarement à l'équateur géographique, et explique la mousson.

Probabilité d'occurrence de convection profonde (en haut) et de convection peu profonde (en bas) sur le globe. Source Bechtold 2008 Atmospheric moist convection.

Cette image illustre la probabilité d'occurrence de nuages convectifs peu épais en bas et de nuages convectifs épais en haut. Dans les tons chauds (rouge et orange), les nuages sont peu fréquents. Dans les tons froids (vert et bleu), ils sont fréquents. Le total ne fait pas toujours 1, car il existe des ciel sans nuages, et d'autres types de nuages

Les nuages convectifs peu épais sont en fait des stratus et stratocumulus :

Stratocumulus. Source WIkipedia

Et correspondent à des nuages qui sont littéralement écrasés. On voit qu'ils sont particulièrement fréquents sur les marges Est des basins océaniques tropicaux.
Au contraire, les nuages convectifs épais, c'est-à-dire les nuages d'orages :

Cumulonimbus. Source WIkipedia


Sont particulièrement fréquents au dessus du continent maritime, de l'Amazonie et de l'Afrique équatoriale.

Nous voyons que vers 30°N, les nuages sont particulièrement peu fréquent. Ce sont les régions des grands déserts. Cependant nous voyons aussi que les régions de convections profondes sont répartis de manière très hétérogène le long de l'équateur.
Il existe en effet une autre celulle de circulation. La convection tropicale forme une autre boucle, dans le sens Est-Ouest cette fois-ci.

Cellule de Walker


La convection tropicale s'organise de manière plutôt hétérogène le long de l'ITCZ, le fameux équateur météorologique ou l'air converge et forme des amas orageux semi permanent. Sur terre il existe trois grandes régions où la convection profonde se met en place. 
En premier lieu, il s'agit du continent maritime, c'est-à-dire les îles de l'Asie du Sud Est, comme les Philippines, la Guinée, l'Indonésie, ... Dans cette région, les eaux chaudes s'accumule et la thermocline s'enfonce profondément. La thermocline est le nom de la surface qui sépare les eaux chaudes de surfaces des eaux froides en profondeur. La surface de référence est souvent prise à 20° par commodité. 
La convection se met également en place au niveau de l'Amazonie (façade Est de la portion tropicale de l'Amérique du Sud) et au niveau de la portion tropicale de l'Afrique de l'Ouest (particulièrement au Congo Brazaville). Dans ces régions, se mettent en place des ascendances, c'est-à-dire que l'air s'élève, représenté par les flèches pointées vers le haut. Puis l'air diverge en latitude, et tout comme pour la cellule de Hadley, il existe des régions de subsidences, où l'air redescend. C'est le cas de la façade Pacifique de l'Amérique du Sud, qui est une région très sèche, où de l'Est de l'Afrique, assez peu humide également.



En combinant la cellule de Walker et la cellule de Hadley, nous arrivons alors à ce schéma de circulation idéal au dessus d'un Océan tropical :

Schéma idéalisé d'un Océan tropical. Very Wet : très humide - Wet : humide - Subtropical High : anticyclone subtropical - Dry : sec - Very Dry : très sec. Source The COMET Programm : http://www.goes-r.gov/users/comet/tropical/textbook_2nd_edition/navmenu.php_tab_4_page_6.0.0.htm (inscription -gratuite -requise).

Les régions "very dry", très sec en français, se trouvent dans les régions où la subsidence de Hadley et la subsidence de la cellule de Walker se superpose.

Le Pacifique tropical


Le Pacifique tropical, de par son immensité, se rapproche plutôt bien de ce schéma idéal. Au contraire, ce n'est absolument pas le cas pour l'Océan Indien. L'Océan Atlantique pour sa part est assez étendue et connait une dynamique assez similaire au Pacifique, mais de moindre importance suite à la taille réduite du bassin.
Le Pacifique donc est la plus grande masse d'eau sur Terre, et de loin. En temps normal, l'Océan Pacifique accumule donc une piscine d'eaux chaudes ( la warm pool en anglais ) dans la partie Ouest du bassin, au niveau du « continent maritime ». Ce terme désigne l’ensemble des îles, notamment l'Indonésie, les Philippines, la Nouvelle Guinée, qui forment la partie insulaire de l'Asie du Sud Est. La thermocline s'enfonce profondément dans l'Ouest du Pacifique, jusque vers 180 mètres. Dans l'Est, près du continent américain, la thermocline remonte et se situe vers 30 à 50 mètres.

Situation proche de la normale dans la Pacifique tropical (un peu près le seul endroit dans ce cas soit dit en passant, ailleurs cela chauffe). Source OSPO : http://www.ospo.noaa.gov/Products/ocean/sst/50km_night/2013.html


Sur cette carte de situation générale, nous retrouvons le continent maritime constitué de ce chapelet d'îles rattachés soit à l'Asie du Sud-Est, soit à l'Océanie. Dans le Pacifique central, nous notons une langue d'eau plus fraîche.
Ainsi, l'Ouest du Pacifique, aux environs du continent maritime, est une véritable « marmite ». De la convection profonde et permanente se développe alors à cet endroit. Les eaux chaudes et humides génèrent la formation de nuages d'orages, les cumulonimbus, durant toute l'année. Il se forme ainsi une boucle de convection à l'échelle planétaire. À basse altitude, l'air converge vers le continent maritime. Puis l'air s'élève, donnant des orages. Il se produit au dessus de cette région une activité pluvio orageuse très intense toute l'année. Il tombe ainsi de 1 à 5 mètres d'eau par an suivant les régions. Pour comparaison, il ne pleut « que » 0,7 à 0,8 mètre d'eau environ en Belgique (soit 700 à 800 millimètres). Comme quoi, il fait beau en Belgique... En altitude, l'air diverge, particulièrement vers l'Amérique du Sud. Cette boucle de circulation se nomme circulation de Walker.

Cette image, un peu complexe de prime abord, tente de synthétiser ces éléments :
Circulation sur le Pacifique, source : Recent intensification of wind-driven circulation in the Pacific and the ongoing warming hiatus, http://www.nature.com/nclimate/journal/v4/n3/fig_tab/nclimate2106_F3.html



La flèche bleu pleine représente la circulation océanique, avec une circulation d'Est en Ouest et une remontée des eaux profondes près de l'Amérique. La circulation atmosphérique est représenté par les pointillées.
En noir, la circulation de Walker. Au niveau du continent maritime, l'air s'élève. Ce mouvement provoque la formation de nuées d'orages, et de fortes précipitations. Au contraire, au niveau de l'Amérique, l'air s'affaisse. Il ne pleut pratiquement jamais.
En rouge, la cellule de Hadley. L'air qui s'élève au niveau du continent maritime redescend aussi au niveau de 30°N, formant deux anticyclones symétriques, dans l'Hémisphère Sud (non représenté) et l'Hémisphère Nord (noté H pour high en anglais). Là est l'origine du désert de Patagonie au Sud et des déserts du Mexique et des USA (Sonora, Chihuhua,...) au Nord.
Dans l'Atlantique, on retrouve la même organisation avec une zone de convection profonde sur la façade Ouest de l'Atlantique équatoriale, c'est-à-dire l'Amazonie. Les eaux froides remonte vers le Golfe de Guinée, alors que l'air s'affaisse au niveau du Sahara et de la Namibie.


Ce schéma simplifié illustre la circulation de Walker au niveau du Pacifique :




Situation moyenne dans le Pacifique.  Source CPC de la NOAA : http://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/analysis_monitoring/ensocycle/enso_cycle.shtml

Ici, nous nous focalisons sur une situation neutre. L'Australie se devine à gauche, l'Amérique à droite. Nous remarquons bien la circulation de Walker, avec les vents d'Est en surface. Les eaux profondes, plus froides, remontent près du continent américain. Dans l'Ouest du bassin, les eaux chaudes s'accumulent sur la profondeur. La convection se développe alors sur l'Ouest du bassin, tandis que la subsidence (la "redescente" de l'air) se fait sur la marge Ouest du continent américain.

La Niña


La Niña correspond à une exagération de ce schéma de circulation. La pente de la thermocline s'accentue, la convection se renforce sur le continent maritime.

Pour l'atmosphère, la configuration est simple. La pression baisse dans l'Est du Pacifique, elle augmente dans le centre du Pacifique. Les vents soufflent alors vers les basses pressions, vers l'Est, avec plus de force. La convection est affaiblie dans le centre du Pacifique ; elle est renforcée à l'Est. On assiste à un renforcement et une extension de la cellule de Walker.

Pour l'océan, les eaux chaudes s'accumulent dans l'Est du bassin. Au contraire, le Pacifique se refroidit le long de la côte américaine.





El Niño


El Niño a des conséquences souvent plus spectaculaires que la Niña, car l'organisation de la convection tropicale se trouve alors profondément remanié.

L'Océan pacifique se réchauffe, et la thermocline s'enfonce plus profondément dans l'Est du bassin. Elle devient ainsi pratiquement de niveau.
Pour l'atmosphère, la pression baisse dans le centre du Pacifique. La convection est alors particulièrement renforcé sur le centre du Pacifique, et déborde même sur l'Amérique du Sud. En conséquence, la subsidence de la cellule de Walker se déplace sur le centre du continent, ce qui tend à provoquer des sécheresses en Amazonie.



Une carte dans le monde "réel" pour illustrer :

Températures de surface de l'océan en Décembre 1997. Source OSPO : http://www.ospo.noaa.gov/Products/ocean/sst/monthly_mean.html


On remarque sur cette carte que les eaux chaudes se sont étalées vers l'Est et vers l'Amérique, par rapport à la carte de Décembre 2013 présentant une situation sans anomalies particulières dans le Pacifique.

El Niño reste un événement délicat à prévoir car il y a "couplage" entre l'Océan et l'Atmosphère. Les anomalies de circulation atmosphérique -des vents d'Ouest à la place de vent d'Est- et océanique -un réchauffement du bassin Pacifique- évoluent ensemble. Ce ne sont pas des anomalies océaniques qui sont la cause du déplacement des centre de convections. Ce ne sont pas les anomalies de la convections qui sont la cause du déplacement des eaux chaudes. Les deux éléments évoluent ensemble. Le mot exact est rétroaction, les deux rétroagissent l'un sur l'autre. Parfois le couplage se fait, les rétroactions mènent à un "emballement" qui finit par générer un événement El Niño. Et parfois le couplage échoue et le Pacifique retombe dans un état moyen.
Le Printemps est la période de l'année où le Pacifique est dans sa phase de "sensibilité". Des faibles perturbations atmosphériques ou océaniques peuvent lourdement favoriser ou défavoriser le développement d'un événement Niño ou Niña.
Généralement, un événement El Niño se développe durant le Printemps boréal et atteint son maximum d'intensité vers Novembre ou Décembre.
À l'échelle planétaire, les impacts sont multiples et encore parfois mal compris. La convection tropicale est une importante source de chaleur et perturbe profondément la circulation atmosphérique. En Europe, les impacts sont plus ténus. Ils existent bien sûr également, mais ils restent difficile à percevoir et mal défini.

Impact globaux d'El Niño. Source Wikipedia






De plus El Niño est associé à un réchauffement temporaire (de un an ou deux) des températures globales.

Suivre l'ENSO, en anglais et en français


Si la communauté météorologique belge n'est pas très active, vous pouvez néanmoins suivre ce sujet de discussion ; et y participer si vous le désirez :

http://www.forums.meteobelgium.be/index.php?s=d3c93e1b3b1f982e17c838a3a8ebcedb&showtopic=10703

dimanche 1 juin 2014

2014-2015, dans les larmes et le sang

Alors que le réchauffement climatique continue son oeuvre au noir, dans le Pacifique un événement El Niño se met en place. Que nous réserve alors ces deux années 2014 et 2015 ?

L'année 2014, déjà bien mal entamé


Depuis le début de l'année, les événements extrêmes sont récurrents. Nous vous avions déjà parler dans un billet précédent de l'Hiver 2014. Depuis, les bizarreries climatiques s'accumulent encore et encore. Nous vous parlions d'inondations en Europe, de sécheresse en Californie et au Brésil. Et bien deux mois plus tard rien n'a changé. Après le Royaume-Uni, les Balkans viennent de subir des crues historiques, la Californie brûle, et le Brésil est toujours en difficulté avec la sécheresse. En plus, nous pouvons ajouter que la Sibérie brûle à son tour, que l'Australie a eu bien chaud, et que la Chine va avoir bien chaud. Nous nous proposons ici de détailler les éléments nouveaux qui sont apparus depuis cet Hiver, pour essayer ensuite de dégager une vue ensemble et envisager certaines perspectives pour cette fin d'année et l'année prochaine.

L'enneigement de l'hémisphère, déficitaire


Dans la continuité des années précédentes, l'enneigement au printemps continue de reculer très rapidement en Sibérie et au Canada. Ce graphique illustre l'extension de l'enneigement début Mai, durant la semaine 18 : 

Extension en kilomètres carré de l'enneigement de l'Hémisphère Nord ( HN ) pour la semaine 18, de 1968 à 2014. Source Université de Rutgers : http://climate.rutgers.edu/snowcover/
Si 2014 ne se positionne pas spécialement bas, cette année reste dans la tendance des années récentes.
Cette régression précoce de l'enneigement a plusieurs conséquences. En premier lieu, la neige a un très bon albédo. Autrement, elle réfléchit efficacement la lumière visible. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de porter des lunettes de Soleil même pour aller au ski. La neige est aveuglante, car elle renvoie toute l'énergie lumineuse qu'elle reçoit. Cette énergie est alors dispersé vers l'espace, elle est perdue. La neige maintient donc les régions qu'elles couvrent au froid. La Sibérie et l'Alaska, ayant été dépossédé en avance de cette couverture "isolante", on particulièrement chauffé ce Printemps.

En première conséquence, les deux régions connaissent alors des incendies de forêt inhabituellement violent et précoce. 
Incendie de forêt en Sibérie (localisation en haut à gauche) le 6 Mai. Source Rapid Response :  http://lance-modis.eosdis.nasa.gov/cgi-bin/imagery/gallery.cgi
Les incendies de forêt dispersent d'épais panaches de cendre, d'ailleurs bien visible sur cette image. Dans l'atmosphère, les cendres tendent à absorber le rayonnement solaire. Elles ont donc tendance à s'échauffer au détriment des couches inférieurs de l'atmosphère, ce qui peut avoir un effet refroidissant (effet qui n'est pas de même nature que la neige cependant). Pourtant, ces cendres sont rapidement lessivés par les précipitations. Et les recherches récentes, notamment le Dark Snow Project, tendent à montrer que le dépôt des cendres sur la neige accélère sa fonte.

Cependant, la quantité d'énergie accumulé a aussi un impact direct sur l'Hémsiphère Nord en permettant son réchauffement. De plus, ce sont les latitudes nordiques qui se réchauffent. Cette évolution tend à affaiblir le gradient de température entre l'Arctique et l'équateur. Cette affaiblissement du gradient de température est responsable d'un ralentissement du jet d'Ouest, qui méandre et tend à former de larges boucles.

Les tropiques, en ébullition

Une autre cause de la perturbation de la circulation atmosphérique mondiale est à chercher dans les tropiques. Le Pacifique tropical est actuellement en bonne voir pour connaitre un phénomène cyclique qui est nommé El Niño. Vous pouvez voir ici notre explication au sujet de ce phénomène :

Rappelons brièvement que l'El Niño se caractérise par un réchauffement considérable considérable du Pacifique tropicale, et surtout de la partie Est du bassin. Depuis l'année dernière, les eaux chaudes se sont accumulés au niveau du Pacifique Ouest. Ce renforcement de la piscine d'eau chaude est un des éléments précurseurs d'El Niño. Comme une onde qui se propage sur une corde, une des signature d'El Niño sont des ondes océaniques qui se propage d'Ouest en Est. Elles sont matérialisés par une accumulation d'énergie sous forme d'une réserve d'eau chaude qui se propage et s'étale à la surface du Pacifique et se nomment ondes de Kelvin Océanique. En 2013, la piscine d'eau chaude du Pacifique Ouest aura été particulièrement... chaude et humide, sans mauvais jeu de mot. Et cette accumulation d'eau est actuellement en train de se propager vers l'Est, avec  le développement de fortes anomalies positives de températures. Il s'agit là d'un des premiers signes de l'El Niño en développement :

Anomalie des températures de la surface des Océans. Source OSPO : http://www.ospo.noaa.gov/Products/ocean/sst/anomaly/index.html


Ce renforcement de la piscine d'eau chaude du Pacifique Ouest aura aussi eu pour conséquence un renforcement de la convection tropicale au niveau du continent maritime cet Hiver. Le typhon Hayian, au mois de Novembre 2013, par exemple, n'aura pas été étranger à des anomalies de températures positives de l'océan, qui s'étendait sur plusieurs centaines de mètres de profondeur.

Par des mécanismes assez complexes, ce renforcement de la convection tropicale dans le Pacifique Ouest a pu favorisé un schéma de circulation atypique. Aux moyennes latitudes, le jet stream en altitude tend à souffler d'Ouest en Est, et c'est tout aussi vrai pour le Pacifique aux latitudes des USA. Cependant, lorsque la convection tropicale se trouve ainsi renforcé, le jet tend à former de larges courbes, et à venir se bloquer dans un schéma de circulation plutôt Nord-Sud que Ouest-Est. Les recherches les plus récentes tendent à montrer que le réchauffement anormale du Pacifique Ouest a aussi contribué à amplifier l'activité ondulatoire planétaire. Et comme le réchauffement climatique imprime une tendance de hausse des températures en plus de cette variabilité naturelle, l'année 2013 aura été d'autant extrême. L'année 2013, en tant qu'année durant laquelle c'est initié l'El Niño, a tout naturellement connu un réchauffement du Pacifique Ouest. Celui-ci a cependant été amplifié par la tendance du réchauffement climatique.

Une étude récente a ainsi identifié un schéma de circulation dipolaire sur le Pacifique et l'Amérique. Il est constitué d'une anomalie haute ( pressions et températures élevées ) sur la façade Ouest de l'Amérique du Nord, et d'une anomalie basse ( pressions et températures faibles ) sur le continent. Ce dipôle est renforcé l'année précédent un El Niño, mais tend aussi à s’amplifier au fil des années avec le réchauffement climatique.

Schéma du dipôle et évolution de son intensité. Les acronymes pour le graphique se réfèrent à la part de l'évolution dû aux gas à effet de serre ( GHG ), la part dû aux facteurs naturels ( NAT ) et l'évolution observé ( OBS ). Source : http://news.cisc.gmu.edu/doc/CA_drought_research.pdf


Pluies diluviennes dans les Balkans

Nous avions déjà tenter d'expliquer pourquoi les événements extrêmes se multiplieraient avec le réchauffement climatique, sans avoir ne serait-ce qu'à considérer l'évolution du courant-jet. En effet, un air plus chaud peut contenir plus de vapeur d'eau, environ 6% à 7% en plus par degrés Celsius. Une explication vous avez été proposée ici même :

http://previsionsmeteobelgique.blogspot.fr/2014/02/waterworld.html

Si un air plus chaud peut contenir plus d'humidité, alors le cycle de l'eau se trouve accélère. L'eau quitte plus facilement la surface car l'air peut en accueillir une masse plus importante, ce qui provoque des sécheresses. Et lorsque la vapeur atmosphérique se condense en pluie, l'air contenant une masse plus importante d'eau les pluies sont d'autant plus violentes. Dans notre expérience courante, nous en avons l'intuition. L’Été, le Soleil et les températures élevées assèche plus facilement le sol. Il suffit parfois d'un jour ou deux pour qu'il ne reste plus aucune flaque d'eau après une bonne pluie l’Été, alors qu'en Hiver les sols restent humides bien plus longtemps, même si le temps reste sec.

Dans le monde, le même processus est à l'oeuvre. Après l'Europe du Nord-Ouest, ce sont les Balkans qui viennent de subir une succession de passages pluvieux qui a provoqué les pires inondations qu'aient connu la région depuis au moins 120 ans. Les cumuls de précipitations sont proprement diluviens, comme le montre cette carte :


Localement, les cumuls ont même dépassé les 200 millimètres sur la semaine, ce qui n’apparaît pas sur la carte qui reste assez "générale" et large dans son approche. La ville de Tusla a ainsi collecté 256 millimètres, soit 0,26 mètres d'eau par mètre carré, en 7 jours seulement :


Pour mesurer l'importance du chiffre, à Uccle, depuis le début d'année, il n'est tombé que 230 millimètres depuis le début d'année. Les conséquences ont été terribles, un ministre avançant même une comparaison avec la guerre en Bosnie. Si la relative pauvreté des deux pays a aussi été un facteur aggravant, augmentant la vulnérabilité aux risque, il n'en reste pas moins qu'un tel épisode :


Même si cela ne semble pas nous affecter directement, nos impôts, via l'Union Européenne, serviront en partie à soutenir la Bosnie et la Serbie. La Bosnie particulièrement sera incapable de se relever sans une aide extérieure massive.

Sécheresse en Californie

Pour la Californie, la situation ne s'arrange absolument pas. Les mois de Mars et Avril auront été un peu plus arrosés, tout en restant déficitaire. Le déficit hydrologique ne fait donc que s'aggraver au fil des semaines.

Sécheresse aux USA. Source Dought Monitor : http://droughtmonitor.unl.edu/
De plus le Texas est également touché. Le climat du Texas et de la Californie sont assez différents. Si la chaleur domine l’Été pour les deux Etats, la Californie connait un climat méditerranéen, comme dans le Sud-Est de la France, mais très prononcé. Les précipitations dans la région sont inexistantes de Mai à Septembre. L'Hiver est donc une saison cruciale qui permet de reconstituer les réserves d'eaux avant la saison sèche. Sauf que cette année, l'Hiver aura été lui aussi fort sec. Il ne sera par exemple tomber que 8.8 inches à San Francisco, soit 224 millimètres (moins qu'en Bosnie en 4 jours...). Notons aussi que le cumul n'augmente pratiquement sur les mois de Juillet à Octobre (à gauche) et les mois de Mai à Juin (à droite), ce qui signe le climat méditerranéen. Il ne pleut qu'en Hiver :

Données climatiques de l'aéroport de San Francisco. Source NWS San Francisco Bay/Monterey : http://www.wrh.noaa.gov/climate/temp_graphs.php?stn=KSFO&wfo=mtr

Pour le Texas par contre, les pluies se produisent préférentiellement en Été. La situation a donc encore une chance de s'améliorer, bien que les prévisions soient assez pessimistes.

La Californie est ainsi la proie d'incendies de forêts particulièrement violent pour la saison. Les conséquences sont parfois curieuses, comme cette "tornade de feu" filmé mi Mai non loin de San Diego. Le terme de "tornade de feu" est impropre, puisqu'il s'agit d'un tourbillon de flamme, le terme de tornade se référent à un quelque chose de très spécifique.



 Cependant, en dehors de cette anecdote, les conséquences risquent d'être dramatique. Lors de la dernière sécheresse en Californie, au tournant des années 2000, San Diego avait été assiégé par les incendies et l'événement a été nommé littéralement "le siège de feu de 2003". Au final il y avait plus de peur que de mal en 2003. Il n'est pas garanti cependant qu'une situation d'encerclement d'une grande agglomération puisse être contrôlé à chaque fois.
En dehors de ces spéculations, la sécheresse en Californie aura un impact économique majeur. Outre les incendies, le secteur agricole a une grande importance en Californie. La plupart des fruits et légumes aux USA sont produit dans le centre de la Californie.

Et après ?

Les années 2014 et 2015 seront deux années délicates d'un point de vue climatique. La poursuite du réchauffement global, et le développement d'un événement El Niño, sont sur le point de se conjuguer pour donner un duo explosif.

Durant le dernier El Niño, pendant les années 2009 et 2010, les perturbations climatiques avaient eu de lourdes conséquences. L'Amazonie avait souffert d'une grande sécheresse. La Russie européenne avait connu son Été les plus chaud et le plus sec depuis des siècles (vous pouvez consulter aussi Wikipedia en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/2010_Northern_Hemisphere_summer_heat_waves ). En comparaison, cet événement avait été encore plus extrême que la canicule de 2003 en Europe de l'Ouest, l'influence du changement climatique ayant eu une influence notable. Dans le sillage de cette canicule, le prix des matières premières avaient flambé eux aussi, contribuant in fine à déclencher le Printemps Arabe ( "printemps" qui dure maintenant depuis 3 ans... ) et à des crises de subsidences dans plusieurs pays.

En premier lieu, le phénomène El Niño provoque une hausse temporaire des températures globales qui se superpose à la tendance du réchauffement. L'année 2014 pourrait ainsi être l'une des plus douces, alors que 2015 est pratiquement assuré de battre le record. Prévisions MétéoBelgique vous présente ici une prévision de l'évolution des températures pour la planète. Cette prévision reste plutôt indicative. Il est impossible de savoir comment évoluera précisément l'El Niño. De plus, une éruption volcanique pourrait interrompre cet envolée. Cependant, sauf grosse surprise, la trajectoire suivie par les températures sera assez proche de celle présentée :

Températures observé par l'UAH en orange (source : http://nsstc.uah.edu/climate/ ) et son modèle en bleu.

Cependant, il s'agit là d'une moyenne globale, et derrière cette moyenne peuvent apparaître des réalités bien diverses. Prévisions MétéoBelgique estime ainsi qu'il est probable qu'une portion des terres de l'Hémisphère Nord connaisse à nouveau une canicule sans précédent. Le centre et l'Ouest des USA sont particulièrement exposé, ainsi que l'Europe de l'Est. Nous ne parlons cependant pas là seulement d'une canicule. La variabilité du climat fait qu'il y en aura toujours une quelque part. Nous envisageons un événement de grande ampleur et sans précédent comme a pu l'être l'été 2003 en Europe de l'Ouest ou l'été 2010 en Russie ; avec des conséquences socio économiques durable et marquées.

En tout état de cause, nous nous attendons à nouveau à de sévères turbulences climatiques en 2014 et 2015. Prévisions MétéoBelgique vous tiendra bien sûr au courant !