lundi 19 janvier 2015

2014, année des reccords, et 2015 est encore à venir....

La nouvelle a été commenté dans les divers journaux, l'année 2014 est officiellement l'année la plus chaude qu'il soit à la surface du globe. Cependant, il ne s'agit pas du seul seul record cette année. L'Europe a également connu une année extraordinairement chaude, marquée par la succession de violents épisodes pluvieux. En Californie et au Brésil, la sécheresse a durement frappé. Tout ces événements traduisent l'évolution rapide de notre climat, et menacent de plus en plus la stabilité de notre civilisation. Ici, nous ramasserons tout les records qui sont tombés, afin de vous présenter une vue synthétique de l'année météorologique 2014.

Anomalies des températures en surface par rapport à la normale du 20ème siècle. Crédit image, Goddard Institute for Space Study, National Aeronautic and Space Administration : GISSTEMP NASA


ENSO - El Nino Southern Southern Oscillation

ENSO


ENSO signifie El Niño Southern Oscillation. Pourrait-on commencer un article avec un acronyme encore plus incompréhensible ? Pour comprendre, nous allons devoir parler des tropiques, et de son plus grand océan, le Pacifique tropical.

Les tropiques

En géographie, nous savons que les tropiques ont avant tout une définition géographique. Ils se situent par 23°26' S pour le tropique du Cancer et 23°26' N pour le tropique du Capricone. Cette image montre les deux tropiques en bleu foncé et l'équateur en bleu clair :

Du Nord au Sud, tropique du Capricorne (bleu foncé), équateur (bleu clair) et tropique du Cancer (bleu foncé). Source Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Tropique


Cependant pour les scientifiques de l'atmosphère, une telle définition n'est pas satisfaisante. Les tropiques ont une définition moins "tranché", plus "flou", au sens où il ne s'agit pas d'une ligne de démarcation claire. Les tropiques en météorologie sont défini suivant la cellule de Hadley. Cependant cela ne nous avance guère. Qu'est ce que la cellule de Hadley ?

Cellule de Hadley


Les tropiques sont baigné de Soleil, et ce sont des régions qui chauffent fortement en toute saison. L'air chaud et humide s'élève au niveau de la Zone de Convergence Intertropical (ZCIT ou ITCZ en anglais), qui est en quelque sorte l'équateur météorologique. Puis cet air diverge et circule ver les Pôles. Cependant, la rotation de la Terre vient compliquer un peu la situation. La boucle de la cellule de Hadley n'est donc pas strictement méridional (ie. du Nord au Sud) mais vrille en trois dimensions. Vers 30°N, l'influence de la rotation devient si importante que l'air circule d'Ouest en Est. Au delà de ces latitudes, c'est les moyennes latitudes et la dominance du flux d'Ouest. L'air est donc forcé vers 30° de latitude Nord et Sud de ferme la boucle. Une subsidence (une "redescente" de l'air) de grande échelle avec des régions anticycloniques permanentes. Celles-ci engendrent les grands déserts, tel que le Sonora, le Sahara, le Karakum, le Kalahari, le désert australien, et tant d'autres encore.

Les déserts du monde, source wikipedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Desert

Pour illustrer :

Schéma simplifié de la cellule de Hadley (Hadley Cell). Les alizés (trade wind) sous les tropiques et les vents d'ouest (westerlies) sont représentés. Source Comet Program : http://www.meted.ucar.edu/tropical/textbook_2nd_edition/print_1.htm  (inscription -gratuite- requise)

Autour de ces anticyclones, les vents tournent dans le sens des aiguilles des montres dans l'Hémisphère Nord, et dans le sens contraire dans l’Hémisphère Sud. Les vents dominants dans les tropiques soufflent ainsi de l'Est ou Nord Est, vers l'Ouest ou le Sud Ouest. Ils sont nommés alizés et par des phénomènes assez complexe, forment l'ITCZ, l'équateur météorologique. Nous avons l'impression que les alizés convergent (impression renforcé par le schéma ci-dessus), mais la réalité est un peu plus subtil. Cette réalité un peu plus subtil explique notamment que l'équateur météorologique ne correspondent que rarement à l'équateur géographique, et explique la mousson.

Probabilité d'occurrence de convection profonde (en haut) et de convection peu profonde (en bas) sur le globe. Source Bechtold 2008 Atmospheric moist convection.

Cette image illustre la probabilité d'occurrence de nuages convectifs peu épais en bas et de nuages convectifs épais en haut. Dans les tons chauds (rouge et orange), les nuages sont peu fréquents. Dans les tons froids (vert et bleu), ils sont fréquents. Le total ne fait pas toujours 1, car il existe des ciel sans nuages, et d'autres types de nuages

Les nuages convectifs peu épais sont en fait des stratus et stratocumulus :

Stratocumulus. Source WIkipedia

Et correspondent à des nuages qui sont littéralement écrasés. On voit qu'ils sont particulièrement fréquents sur les marges Est des basins océaniques tropicaux.
Au contraire, les nuages convectifs épais, c'est-à-dire les nuages d'orages :

Cumulonimbus. Source WIkipedia


Sont particulièrement fréquents au dessus du continent maritime, de l'Amazonie et de l'Afrique équatoriale.

Nous voyons que vers 30°N, les nuages sont particulièrement peu fréquent. Ce sont les régions des grands déserts. Cependant nous voyons aussi que les régions de convections profondes sont répartis de manière très hétérogène le long de l'équateur.
Il existe en effet une autre celulle de circulation. La convection tropicale forme une autre boucle, dans le sens Est-Ouest cette fois-ci.

Cellule de Walker


La convection tropicale s'organise de manière plutôt hétérogène le long de l'ITCZ, le fameux équateur météorologique ou l'air converge et forme des amas orageux semi permanent. Sur terre il existe trois grandes régions où la convection profonde se met en place. 
En premier lieu, il s'agit du continent maritime, c'est-à-dire les îles de l'Asie du Sud Est, comme les Philippines, la Guinée, l'Indonésie, ... Dans cette région, les eaux chaudes s'accumule et la thermocline s'enfonce profondément. La thermocline est le nom de la surface qui sépare les eaux chaudes de surfaces des eaux froides en profondeur. La surface de référence est souvent prise à 20° par commodité. 
La convection se met également en place au niveau de l'Amazonie (façade Est de la portion tropicale de l'Amérique du Sud) et au niveau de la portion tropicale de l'Afrique de l'Ouest (particulièrement au Congo Brazaville). Dans ces régions, se mettent en place des ascendances, c'est-à-dire que l'air s'élève, représenté par les flèches pointées vers le haut. Puis l'air diverge en latitude, et tout comme pour la cellule de Hadley, il existe des régions de subsidences, où l'air redescend. C'est le cas de la façade Pacifique de l'Amérique du Sud, qui est une région très sèche, où de l'Est de l'Afrique, assez peu humide également.



En combinant la cellule de Walker et la cellule de Hadley, nous arrivons alors à ce schéma de circulation idéal au dessus d'un Océan tropical :

Schéma idéalisé d'un Océan tropical. Very Wet : très humide - Wet : humide - Subtropical High : anticyclone subtropical - Dry : sec - Very Dry : très sec. Source The COMET Programm : http://www.goes-r.gov/users/comet/tropical/textbook_2nd_edition/navmenu.php_tab_4_page_6.0.0.htm (inscription -gratuite -requise).

Les régions "very dry", très sec en français, se trouvent dans les régions où la subsidence de Hadley et la subsidence de la cellule de Walker se superpose.

Le Pacifique tropical


Le Pacifique tropical, de par son immensité, se rapproche plutôt bien de ce schéma idéal. Au contraire, ce n'est absolument pas le cas pour l'Océan Indien. L'Océan Atlantique pour sa part est assez étendue et connait une dynamique assez similaire au Pacifique, mais de moindre importance suite à la taille réduite du bassin.
Le Pacifique donc est la plus grande masse d'eau sur Terre, et de loin. En temps normal, l'Océan Pacifique accumule donc une piscine d'eaux chaudes ( la warm pool en anglais ) dans la partie Ouest du bassin, au niveau du « continent maritime ». Ce terme désigne l’ensemble des îles, notamment l'Indonésie, les Philippines, la Nouvelle Guinée, qui forment la partie insulaire de l'Asie du Sud Est. La thermocline s'enfonce profondément dans l'Ouest du Pacifique, jusque vers 180 mètres. Dans l'Est, près du continent américain, la thermocline remonte et se situe vers 30 à 50 mètres.

Situation proche de la normale dans la Pacifique tropical (un peu près le seul endroit dans ce cas soit dit en passant, ailleurs cela chauffe). Source OSPO : http://www.ospo.noaa.gov/Products/ocean/sst/50km_night/2013.html


Sur cette carte de situation générale, nous retrouvons le continent maritime constitué de ce chapelet d'îles rattachés soit à l'Asie du Sud-Est, soit à l'Océanie. Dans le Pacifique central, nous notons une langue d'eau plus fraîche.
Ainsi, l'Ouest du Pacifique, aux environs du continent maritime, est une véritable « marmite ». De la convection profonde et permanente se développe alors à cet endroit. Les eaux chaudes et humides génèrent la formation de nuages d'orages, les cumulonimbus, durant toute l'année. Il se forme ainsi une boucle de convection à l'échelle planétaire. À basse altitude, l'air converge vers le continent maritime. Puis l'air s'élève, donnant des orages. Il se produit au dessus de cette région une activité pluvio orageuse très intense toute l'année. Il tombe ainsi de 1 à 5 mètres d'eau par an suivant les régions. Pour comparaison, il ne pleut « que » 0,7 à 0,8 mètre d'eau environ en Belgique (soit 700 à 800 millimètres). Comme quoi, il fait beau en Belgique... En altitude, l'air diverge, particulièrement vers l'Amérique du Sud. Cette boucle de circulation se nomme circulation de Walker.

Cette image, un peu complexe de prime abord, tente de synthétiser ces éléments :
Circulation sur le Pacifique, source : Recent intensification of wind-driven circulation in the Pacific and the ongoing warming hiatus, http://www.nature.com/nclimate/journal/v4/n3/fig_tab/nclimate2106_F3.html



La flèche bleu pleine représente la circulation océanique, avec une circulation d'Est en Ouest et une remontée des eaux profondes près de l'Amérique. La circulation atmosphérique est représenté par les pointillées.
En noir, la circulation de Walker. Au niveau du continent maritime, l'air s'élève. Ce mouvement provoque la formation de nuées d'orages, et de fortes précipitations. Au contraire, au niveau de l'Amérique, l'air s'affaisse. Il ne pleut pratiquement jamais.
En rouge, la cellule de Hadley. L'air qui s'élève au niveau du continent maritime redescend aussi au niveau de 30°N, formant deux anticyclones symétriques, dans l'Hémisphère Sud (non représenté) et l'Hémisphère Nord (noté H pour high en anglais). Là est l'origine du désert de Patagonie au Sud et des déserts du Mexique et des USA (Sonora, Chihuhua,...) au Nord.
Dans l'Atlantique, on retrouve la même organisation avec une zone de convection profonde sur la façade Ouest de l'Atlantique équatoriale, c'est-à-dire l'Amazonie. Les eaux froides remonte vers le Golfe de Guinée, alors que l'air s'affaisse au niveau du Sahara et de la Namibie.


Ce schéma simplifié illustre la circulation de Walker au niveau du Pacifique :




Situation moyenne dans le Pacifique.  Source CPC de la NOAA : http://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/analysis_monitoring/ensocycle/enso_cycle.shtml

Ici, nous nous focalisons sur une situation neutre. L'Australie se devine à gauche, l'Amérique à droite. Nous remarquons bien la circulation de Walker, avec les vents d'Est en surface. Les eaux profondes, plus froides, remontent près du continent américain. Dans l'Ouest du bassin, les eaux chaudes s'accumulent sur la profondeur. La convection se développe alors sur l'Ouest du bassin, tandis que la subsidence (la "redescente" de l'air) se fait sur la marge Ouest du continent américain.

La Niña


La Niña correspond à une exagération de ce schéma de circulation. La pente de la thermocline s'accentue, la convection se renforce sur le continent maritime.

Pour l'atmosphère, la configuration est simple. La pression baisse dans l'Est du Pacifique, elle augmente dans le centre du Pacifique. Les vents soufflent alors vers les basses pressions, vers l'Est, avec plus de force. La convection est affaiblie dans le centre du Pacifique ; elle est renforcée à l'Est. On assiste à un renforcement et une extension de la cellule de Walker.

Pour l'océan, les eaux chaudes s'accumulent dans l'Est du bassin. Au contraire, le Pacifique se refroidit le long de la côte américaine.





El Niño


El Niño a des conséquences souvent plus spectaculaires que la Niña, car l'organisation de la convection tropicale se trouve alors profondément remanié.

L'Océan pacifique se réchauffe, et la thermocline s'enfonce plus profondément dans l'Est du bassin. Elle devient ainsi pratiquement de niveau.
Pour l'atmosphère, la pression baisse dans le centre du Pacifique. La convection est alors particulièrement renforcé sur le centre du Pacifique, et déborde même sur l'Amérique du Sud. En conséquence, la subsidence de la cellule de Walker se déplace sur le centre du continent, ce qui tend à provoquer des sécheresses en Amazonie.



Une carte dans le monde "réel" pour illustrer :

Températures de surface de l'océan en Décembre 1997. Source OSPO : http://www.ospo.noaa.gov/Products/ocean/sst/monthly_mean.html


On remarque sur cette carte que les eaux chaudes se sont étalées vers l'Est et vers l'Amérique, par rapport à la carte de Décembre 2013 présentant une situation sans anomalies particulières dans le Pacifique.

El Niño reste un événement délicat à prévoir car il y a "couplage" entre l'Océan et l'Atmosphère. Les anomalies de circulation atmosphérique -des vents d'Ouest à la place de vent d'Est- et océanique -un réchauffement du bassin Pacifique- évoluent ensemble. Ce ne sont pas des anomalies océaniques qui sont la cause du déplacement des centre de convections. Ce ne sont pas les anomalies de la convections qui sont la cause du déplacement des eaux chaudes. Les deux éléments évoluent ensemble. Le mot exact est rétroaction, les deux rétroagissent l'un sur l'autre. Parfois le couplage se fait, les rétroactions mènent à un "emballement" qui finit par générer un événement El Niño. Et parfois le couplage échoue et le Pacifique retombe dans un état moyen.
Le Printemps est la période de l'année où le Pacifique est dans sa phase de "sensibilité". Des faibles perturbations atmosphériques ou océaniques peuvent lourdement favoriser ou défavoriser le développement d'un événement Niño ou Niña.
Généralement, un événement El Niño se développe durant le Printemps boréal et atteint son maximum d'intensité vers Novembre ou Décembre.
À l'échelle planétaire, les impacts sont multiples et encore parfois mal compris. La convection tropicale est une importante source de chaleur et perturbe profondément la circulation atmosphérique. En Europe, les impacts sont plus ténus. Ils existent bien sûr également, mais ils restent difficile à percevoir et mal défini.

Impact globaux d'El Niño. Source Wikipedia






De plus El Niño est associé à un réchauffement temporaire (de un an ou deux) des températures globales.

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