samedi 23 mars 2013

Mars 2013 froid : l'Oscillation Arctique et la fonte des glaces polaires

La fin d'hiver ou le début de printemps que nous connaissons  actuellement en Europe frappe les esprits et déprime suffisamment les populations pour qu'on essaie de comprendre pourquoi les températures sont tellement basses avec des épisodes neigeux aussi fréquents. Pour cela, nous allons essayer de rester logiques et méthodiques.




Le froid venant du Nord, il faut évidemment regarder quelle est la situation du côté de l'Arctique, et c'est là qu'on découvre la raison de notre "malheur" :






Sur l'Arctique s'est positionné un énorme et puissant anticyclone avec 1050 Hpa en son centre. Sur son flanc Sud circule un fort courant d'Est qui bloque les dépressions atlantiques. En ce 23 mars 2013, une perturbation est bloquée sur notre pays par ce courant qui l'empêche donc d'aller plus loin. Les dépressions sont obligées de circuler plus au Sud, avec leur cortège d'humidité et de douceur. Toujours en ce 23 mars 2013, les températures dans le Sud de la France se situent entre 15 et 20°, alors que chez nous on peine à dépasser le point de congélation ! Cet anticyclone polaire est présent sur ces régions déjà depuis de nombreuses semaines et est le symbole de ce qu'on appelle l'Oscillation Arctique, et plus précisément d'une AO (en anglais) négative. Alors qu'est-ce que cette AO ?

L'Oscillation Arctique est d'une manière assez simple la différence de pression entre les Tropiques et les Pôles. C'est donc un indice qui permet de savoir comment s'organise la distribution des champs de pression dans l'Hémisphère Nord et donc les vents, et finalement le temps. En clair, puisque la AO est une différence entre les Tropiques et les Pôles, la AO sera positive si les pressions sont plus élevées aux Tropiques qu'aux Pôles, et elle sera négative si c'est l'inverse. Cette infographie (en anglais) explicite encore mieux la problématique :





Lorsque la AO est positive règne donc sur le Pôle une dépression qu'on appelle souvent vortex polaire. Sur les Tropiques, l'anticyclone des Açores est opérationnel. Entre les 2, selon la loi des vents, s'installe un courant d'Ouest qui arrose l'Europe de l'Ouest et la Scandinavie. Sur la Méditerranée, les extensions de l'anticyclone des Açores assurent un temps sec. La situation inverse est la suivante :


Les hautes pressions polaires se sont installées dans le Nord, dirigeant un courant d'Est sur une grande partie du continent européen, avec des conditions hivernales. Les dépressions se déplacent vers le Sud, avec de fortes précipitations récurrentes dans le bassin méditerranéen (Des inondations ont par exemple eu lieu sur les Açores alors que les hautes pressions devraient y siéger !).

Evidemment, prévoir l'état de l'Oscillation Arctique, c'est avoir une bonne chance de prévoir le temps dans sa globalité sur l'Hémisphère Nord, même si on peut parfaitement imaginer un temps clément chez nous avec des hautes pressions polaires en hiver. C'est pourquoi les modèles numériques essayent de prévoir l'évolution de cet indice. Pour cette fin mars 2013, voici où en est la situation :


Comme nous pouvons le constater, l'AO est très fortement négative, proche d'un indice de -6. En fait, les graphes de la NOAA (le Service Météorologique des Etats-Unis) ont dû être adaptés pour permettre de visualiser une telle plongée, sinon, comme on dit en anglais, cela aurait été "off the charts" ! Cette anecdote montre à quel point la situation est atypique et explique finalement très bien le temps actuel.

Cela étant dit, cette situation est-elle à ce point "bizarre" ? En réalité, non ! En octobre 2012, notre équipe avait rédigé ce billet où nous avions expliqué qu'il fallait s'attendre à des phénomènes "intéressants", selon les mots de la spécialiste des régions polaires Jennifer Francis, suite au record d'extension minimale de la banquise à la fin de l'été boréal.

Ce mois de mars 2013 est donc certainement le clou du spectacle de cet hiver assez particulier. Il montre que la fonte record de la banquise arctique en septembre 2012 a complètement bouleversé le système climatique dans ces régions, et qu'elle a libéré dans l'atmosphère un énorme surplus de chaleur, avec des anomalies positives en altitude jusqu'à +25°, ce qui a permis l'installation récurrente et prolongée de hautes pressions dans ces régions. L'Oscillation Arctique négative exceptionnelle que nous connaissons actuellement est donc le résultat de ces bouleversements, liés à la fonte des glaces. Et nous en tremblons de froid ...

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