jeudi 7 mars 2013

La météorologie, un métier de fous à visage humain !

Quand vous discutez avec des météorologistes amateurs, vous aurez peut-être l'impression de parler avec un extra-terrestre, un fou, un autiste, tellement il pourrait vous communiquer sa passion durant des heures. Cette passion est le reflet des phénomènes que nous analysons chaque jour et auxquels nous avons été sensibilisé de part notre faculté d'observation qui s'est développée au fil du temps, et notre soif de savoir incommensurable. C'est en tout cas une des grandes caractéristiques que l'on peut observer chez les météo amateurs ou professionnels. Dans ces quelques lignes, j'aimerais vous expliquer ce qui a éveillé en moi cette passion, vous montrer comment je vis la météo au jour le jour, parfois jusqu'à l'overdose ou la fatigue, et vous préciser quelles sont mes "spécialités" dans ce domaine très particulier.





La neige ou rien !

Lorsqu'un membre de notre équipe nous a demandé quelle avait été l'étincelle qui a fait naître en nous cette flamme scientifique, je dois dire que j'ai été incapable de répondre avec précision. J'ai 35 ans et les premiers souvenirs de mon intérêt pour la météorologie sont trop diffus, trop vagues, trop lointains pour décrire ce qu'il s'est passé. Aussi loin que je peux remonter, je me rappelle des fameux hivers des années 80, ce tryptique majestueux des hivers 85-86-87 où les températures descendaient facilement en-dessous des -15° et où la couche de neige atteignait régulièrement les 20 à 30 centimètres. J'allais avec mon frère glisser sur cette poudreuse en compagnie de dizaines d'autres personnes, et sans doute que cela a contribué à mon émerveillement pour les phénomènes météorologiques. D'une manière générale, il est probable que c'est bien la neige, à intervalles réguliers, qui a développé chez moi la curiosité nécessaire pour la compréhension de la science de l'atmosphère. Pourquoi neigeait-il ? Pourquoi ici et pas ailleurs ? Pourquoi est-ce que cela tenait à un moment précis et pas à d'autres ? Quelles sont les meilleures situations pour avoir une belle accumulation au sol ? Toutes ces questions, dont dépendait finalement mon "bonheur" ont certainement provoqué chez moi une envie de comprendre.

Dans l'oeil des tempêtes

En regardant les bulletins meteo de Jules Metz, j'ai aussi été rapidement impressionné par la forme de certaines dépressions de tempête. Leur aspect tourbillonnant avec une structure aussi parfaite m'intriguait, me passionnait, écarquillait mes yeux. Un des souvenirs les plus symboliques de cete nouvelle passion qui naissait en moi fut le cours de dessin à mes 14 ans. La professeure nous a demandé de "dessiner des lignes". Après quelques traits sans conviction, je pensai tout d'un coup à ces formes météorologiques particulières et je me mis à dessiner ces magnifiques tourbillons en pensant certainement à ce genre d'images satellite :


Plus tard, je me mis à dessiner des cartes nettement plus précises avec les centres de basse et de haute pression sur du papier cartonné, et je les affichais dans ma cuisine. Je me souviens de mon père les regardant attentivement. Encore aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de m'extasier sur ces superbes dépressions avec leur enroulement si caractéristique. Comme beaucoup de météorologistes, ce sont forcément les événements extrêmes qui ont réveillé chez moi cette envie de comprendre la science de l'atmosphère.

Entrée dans l'univers des télétextes

Une première révolution eut lieu quelques années après, quand mes parents ont acheté une télévision avec télétexte. Adepte des nouvelles technologies, je pus me rendre compte que les télétextes m'offraient une nouvelle source d'informations qui me permit d'être enfin en avance sur le commun des mortels dans la réception de l'information météorologique. Fini d'être surpris le soir au moment du bulletin météo de la RTBF ! Je savais désormais ce qui allait se passer bien avant ma famille et mes amis. Commença alors l'envie de maximiser cette source d'info, et il était impossible pour moi de regarder seulement le télétexte de la RTBF. Je me branchai donc sur les télétextes néérlandophones, anglais, allemands, et même italiens et espagnols. Comme ma connaissance des langues étrangères était encore limitée (surtout dans ce domaine technique), il m'a fallu apprendre par moi-même tous les mots tels que "bewolkt", "betrokken", ou "ijzel" (par exemple). Même chose en allemand où mes connaissances (à 15 ans) étaient encore plus limitées. Pourtant, grâce à mon esprit de déduction, j'ai pu apprendre à lire des bulletins meteo dans la langue de Goethe. Les télétextes de la NOS et de la ARD étaient devenus mes principales sources d'information. En hiver, alors que la neige s'annonçait progressivement, la première chose que je faisais en me levant était de regarder le bulletin du KNMI sur le télétexte de la NOS. Que de tension, que de cris de joie ou d'énervements à la vue du bulletin matinal, neigeux ou liquide, selon les cas. Parfois, je passais mes journées à zapper d'un télétexte à l'autre pour ne rien manquer des informations régulièrement modifiées. A force d'utilisation, j'ai appris à connaître les moments où les bulletins étaient mis à jour. S'ils étaient en retard ou si quelqu'un d'autre de ma famille utilisait la télévision au moment fatidique, je crisais ! On n'est pas sérieux quand on est jeune !

Ma rencontre avec Eddy De Mey

Plus tard, un premier grand moment fut l'apparition à la télévision flamande VTM du bulletin d'Eddy De Mey qui commença ses bulletins expliqués relativement en profondeur avec des cartes frontales sur un écran de télévision, le tout en compagnie du présentateur du JT. Un format très différent des bulletins de l'époque, le tout se passant dans une ambiance conviviale, avec des questions-réponses entre Eddy De Mey et le présentateur du JT. A la fin de sa carrière, le format est redevenu plus classique, mais avec toujours autant d'informations sur la position des fronts, et même aussi les cartes d'altitude (le 500Hpa comme on dit). En voici un exemple :


Au bout du compte, j'ai un jour décidé de lui écrire (en néérlandais bien sûr) pour le remercier de ses bulletins et ... il me téléphona pour me dire "combien je lui avais fait plaisir". Mais ce n'est pas tout ! Il me proposa de passer une journée chez lui pour me montrer toute son installation qui, à l'époque, était essentiellement composée de fax et d'ordinateurs tellement simples et dépassés pour 2013. Ce fut pour moi une journée extraordinaire. Eddy De Mey est en fait un journaliste "recyclé" dans la météorologie, et n'a donc aucune formation de scientifique. Cela manque donc parfois de rigueur, mais cela reste néanmoins un des grands moments de ma vie que d'avoir pu partager une journée avec lui ! Mes parents en étaient très fiers.

Novembre 1993 : une vague de froid historique !

Peu de temps après, un événement météorologique me marqua assez profondément. Ce fut en novembre 1993. Le début du mois fut marqué par un temps particulièrement doux, comme en témoigne cette archive de carte :





On voit bien un flux de Sud s'organiser sur notre pays avec des températures de 18° en surface en ce début novembre. Cependant, progressivement, les choses évoluèrent et apparut alors sur les cartes l'anticyclone russe. Après quelques hésitations, il put enfin serrer son emprise sur l'Europe grâce à sa toute puissance. Le 20 novembre, voici comment il gela une grande partie de l'Europe :


Je me souviens qu'à l'époque, c'était André Schevers qui présentait les bulletins de la RTBF. Ses mots résonnent encore dans ma tête : "Les perturbations vont venir littéralement mourir contre ce formidable massif anticyclonique. Le froid va s'accentuer : il n'est pas impossible que nous atteignions les -20° dans certaines vallées d'Ardenne !" Mais le clou du spectacle fut la toute fin du mois où une perturbation de redoux s'enfonça sur notre pays. Il était prévu que cette perturbation apporte de la pluie verglaçante. Je me souviens très bien des derniers moments de classe (J'avais 17 ans). Lors de la récréation, la pluie verglaçante provoqua quelques glissades. Puis, brusquement, la pluie se transforma en neige. Le dernier cours, celui de maths, allait commencer. Après 20 minutes, tout Wavre était blanc. Le professeur décréta qu'il vallait mieux partir plus tôt avec toute cette neige. Mon retour fut épique. Ma mère était bloquée dans ses déplacements et je dus rentrer à pied chez moi de la gare, le tout en montée. Une couche de 10 centimètres y gênait ma progression. Fin de journée fatiguante, mais incroyable pour moi et ma famille. Mes parents et mes frères rentrèrent au compte-goutte. Le soir, André Schevers expliqua comment l'anticyclone russe avait décidé de bloquer quelques heures cette perturbation sur un axe Amsterdam-Bruxelles-Paris. Cela donne presque la chair de poule de s'imaginer qu'une haute pression peut ainsi bloquer une perturbation au dernier moment sans que cela soit prévu par de supercalculateurs. Dans les archives, l'IRM note cet épisode froid ainsi : " Une vague de froid commence dans le pays. Ce jour, les maxima sont partout négatifs et ils le resteront en de nombreux endroits le lendemain." (21/11/1993). Meteo France signale : "novembre 1993, deuxième mois de novembre le plus froid depuis 1980. On relève -12°C à Clermont-Ferrand le 23 et une maximale de -4°C à Bourges le 22. Episode de neige et de pluie verglaçante dans le Nord : 7 cm sont relevés à Dunkerque (record en novembre)."

Hommage à la BBC

D'une manière générale, certains bulletin meteo ont largement façonné ma passion, mais ceux-ci tendent à devenir insipides, présentés de plus en plus par de jolies femmes dont les connaissances sont très limitées (et ceci dit sans misogynie aucune !). En Belgique, les bulletins meteo sont parfois intéressants sur RTL quand Luc Trullemans revient à la charge, mais on sent qu'il est limité dans ses développements. En Flandre, VTM a stagné au niveau de la qualité et de la profondeur des prévisions. C'est finalement encore la VRT qui livre les meilleures prévisions avec Frank Deboosere et Sabine Hagedooren et vous pouvez les consulter ici. Frank Deboosere n'hésite pas à nous livrer quelques détails et à mettre un peu en scène la situation atmosphérique. Son fil Twitter nous apprend aussi beaucoup de choses. C'est finalement à Londres qu'on retrouve les meilleurs bulletins meteo du monde avec les spécialistes du MetOffice recrutés par la BBC. Je me souviens que, pour mon cours d'anglais dans le secondaire, j'avais dû analyser une petite émission en anglais. J'avais décidé d'enregistrer un bulletin de Rob Mc Elwee, et j'avais adoré son style shakespearien que mon frère m'avait aidé à décortiquer. Voici son dernier bulletin en forme d'hommage :



WetterZentrale, Meteociel et les forums Internet

En 1993, l'Internet de masse n'existait pas vraiment, et il fallut attendre 1996 pour que je le découvre, sans me douter de ce qu'il allait apporter dans les années suivantes. Ce n'est qu'en 2000, avec mes premiers sous d'employé que je pus m'acheter un ordinateur connecté au réseau des réseaux. Quelle révolution ! En peu de temps, les informations connurent une formidable accélération dans leur circulation et les sites Internet de consultation de modèles ont commencé à tourner dans toute la communauté météorologique mondiale. Le plus connu d'entre eux est certainement Wetterzentrale. En Francophonie, Meteociel est maintenant aussi une référence, et est même consulté par des non-Francophones pour les informations précieuses et détaillées qu'on y retrouve. Evidemment, allant de pair avec ces possibilités de consultation, il fallait pouvoir en discuter entre passionnés. C'est là que les forums, nouvelle mode de l'époque, nous permirent de communiquer entre nous tous, mordus de l'atmosphère. On y rencontre des personnes qu'on n'aurait jamais pu rencontrer d'une autre manière, et cela crée au final des liens d'amitié parfois très forts, avec des discussions non-météorologiques très passionnées. PMB ne déroge pas à la règle.

Les tendances saisonnières

Parallèlement à tout cela, les météorologistes commencèrent à s'intéresser au long terme et aux "tendances saisonnières". Encore aujourd'hui, ce pan des prévisions météorologiques est sujet à discussion car certains pensent qu' "il est impossible de prévoir le temps 3 mois à l'avance". Evidemment, il n'est pas question de dire qu'il y aura de la neige un 25 février dans une prévision du 21 décembre, mais de dessiner des tendances, c'est-à-dire d'essayer de déterminer si le mois de février sera plus froid ou plus doux que la normale, plus sec ou plus humide, plus ensoleillé ou plus sombre. Il sera sans doute toujours impossible de prévoir réellement le temps 3 mois à l'avance, même dans 100 ans, mais élaborer une vision globale est, elle, plus raisonnable. Ce que je pourrais dire aux opposants de ces tendances saisonnières, c'est qu'il y a 50 ans, beaucoup de personnes n'imaginaient qu'on irait sur la Lune, et que dire de l'énergie thermonucléaire il y a 100 ans ou du chemin de fer il y a 200 ans ? Les tendances saisonnières sont, certes, un défi difficile à relever, mais il nous oblige à réfléchir et à nous remettre en question, ce qui est très positif. Comme le début des années 2000 ne fut pas la période la plus neigeuse à mon goût, j'avais tendance à "m'ennuyer" de voir des prévisions numériques à court terme avares en froid et en neige. De plus, je n'ai jamais aimé la chaleur, et l'hiver me paraissait être la seule saison intéressante. Bref, je me suis mis à m'intéresser aux prévisions à long terme, les seules qui pouvaient m'intéresser et me donner un espoir pour la neige. On en revient au début de mon témoignage où je disais que mon "bonheur" dépendait du temps annoncé. A cette époque, j'ai donc essayé de me lancer dans cette spécialisation, surtout sur la base de la circulation générale de l'atmosphère sur de longues périodes, tout en intégrant une certaine intuition ou expérience, dimension largement sous-estimée dans la prévision météorologique. Je me souviens avoir lancé une prévision à un mois en février 2003, non sans un certain succès. Malheureusement, ces prévisions se sont perdues dans le dédale des ordinateurs et d'Internet, et je ne puis ici vous apporter la preuve de ce succès. Ensuite, j'ai essayé d'approfondir la chose en tentant d'initier une réflexion approfondie sur base des statistiques d'Uccle et des autres grandes stations européennes. J'ai donc travaillé avec les tableaux croisés dynamiques d'Excel qui me permirent d'avoir une vue d'ensemble des températures moyennes pour chaque mois depuis 1833, aussi bien en Belgique qu'ailleurs en Europe. J'ai essayé d'établir des liens entre une température froide, par exemple à Oslo, et une température froide à Uccle, de comprendre pourquoi cela s'était établi, tout en travaillant sur les archives des cartes du site Wetterzentrale. Ce travail était tellement titanesque que je l'ai finalement abandonné, mais c'est certainement une piste à explorer. Au moins, si cette recherche s'est stoppée, elle m'a temporairement permis de mieux connaître les données climatologiques européennes et de découvrir aussi plus précisément la dynamique du réchauffement climatique en Europe.

La traversée du désert

J'ai ensuite émigré en 2004 dans un pays désertique où le climat est aussi ennuyeux qu'un discours de François Hollande. Ce fut pour moi une traversée du désert, au propre comme au figuré. Non seulement mon absence physique ici en Belgique m'a un peu déconnecté de la météorologie, mais j'ai aussi découvert petit à petit le revers de la médaille des forums de discussion météorologiques. Il semble bien que la professionnalisation de certains sites Internet ou de certaines personnes dans le domaine de la météorologie leur monte à la tête. J'ai un peu tendance à comparer cela avec un Jedi qui passe du côté obscur de la Force suite à sa "sagesse" et son pouvoir. Concrètement, si vous n'êtes pas aussi spécialiste et que vous n'avez pas une analyse aussi poussée que certains, et qui étaye vos propos avec des équations à la Einstein, vous passez pour un ignorant qui n'a pas lieu d'être dans certains forums, surtout français. De plus, ces personnes sont souvent à ranger dans la catégorie des "climato-sceptiques", et nient perpétuellement le réchauffement. Comme par hasard, ces personnes prévoient des vagues de froid monstrueuses à chaque hiver, et vous traitent de "manipulés du GIEC" à chacun de vos propos. Le plus étonnant, c'est qu'ils vous attribuent à vous leurs propres défauts : malhonnêteté intellectuelle, ignorance, mauvaise foi, entre autres. Il est malheureusement impossible de discuter avec des gens pareils, persuadés comme ils sont d'avoir raison, et d'être maltraités par les tenants de la théorie anthropique. Psychologiquement, nous avons affaire à des frustrés qui sont en simple besoin de reconnaissance de leurs "théories" et si on les contredit, ils se croient persécutés. Malheureusement, cette ambiance arrogante ne vous donne pas beaucoup envie de vous exprimer, et j'ai donc estimé qu'il fallait mettre de côté ma participation à ces forums météo, et d'une manière générale à l'analyse des situations météorologiques sur le vieux continent. Cela étant dit, quelques événements non-européens m'ont obligé à garder un contact avec la météorologie, mais dans un domaine bien particulier : celui des ouragans. 2004 et 2005 furent effectivement des années très particulières car l'activité cyclonique de l'Atlantique Nord fut exceptionnelle, comme chacun s'en souviendra. Je me souviendrai encore longtemps de la discussion sur l'ouragan Katrina. Cette animation est assez éloquente :


Elle montre bien l'évolution de la trajectoire prévue : d'abord une traversée de la Floride puis un revirement vers le Nord-Est. On voit néanmoins très bien que certains modèles (et non des moindres !) avaient anticipé assez vite un passage sur la Nouvelle-Orléans, mais qui aurait pu imaginer que le scénario catastrophe allait se produire ? En attendant, Katrina, Rita, Wilma, et l'alphabet grec ont fait naître chez moi une énorme envie de suivre tous ces cyclones à la puissance et à la trajectoire imprévisibles. Au lieu de m'atteler à décrypter le temps dans nos contrées, je me plongeai pendant des heures dans l'observation de ces monstres. Je remplis parfois des journées entières à surfer sur tous les sites possibles et imaginables. Le pire, c'est que les Etats-Uniens sont encore plus dingues de cela, et passent parfois des nuits entières à observer le mouvement de ces machines de thermodynamiques.

Retour et frustration

C'est seulement en 2009 que le goût de la météorologie européenne m'est revenu. Il faut croire qu'un jour la passion renaît de toute façon de ses cendres. Mais quelque chose de bien frustrant s'était produit. A force de ne plus analyser des modèles de prévision numérique, j'avais perdu la main. Cela paraît tellement évident, mais ne plus avoir ces intuitions, ce feeling, ces capacités à discerner le possible de l'impossible, ne plus avoir cette vision globale de la circulation de l'atmosphère dans l'Hémisphère Nord, est quelque chose d'horriblement frustrant. J'avais pu établir une prévision à un mois en 2003 et 6 ans après, j'étais redevenu un novice incapable d'émettre une prévision lucide et claire. Encore aujourd'hui, 4 ans après ce retour, cette intuition me fait encore défaut, même si j'ai retrouvé certains réflexes !

A la découverte des orages

C'est en 2011 que je suis revenu en Belgique, après avoir manqué ce fabuleux mois de décembre 2010 froid et neigeux. C'est aussi une grande frustration. Entretemps, les paysages découverts à l'étranger ont fait naître en moi la passion de la photographie, et les météorologistes sont aussi de grands amateurs de photographie. Un des secteurs où les météorologistes peuvent exercer leur talent de photographe est bien évidemment les orages. Il existe sur Internet de magnifiques prises d'orages et un de mes rêves serait de pouvoir aujourd'hui prendre un tel cliché :


Alors que, petit, j'avais peur des orages, mon intérêt pour ces machines de thermodynamique grandit, mais il faut bien reconnaître que ma connaissance de leur naissance, de leur structure, de leur évolution est encore bien limitée. C'est à l'heure actuelle mon gros point faible que je cherche à combler. Puisque cet article doit parler d'événements qui nous ont marqué, il faut bien parler de cette journée funeste du 18 août 2011.

La tragédie du Pukkelpop

Cette date restera à jamais gravée dans la mémoire de quelques parents de festivaliers, ceux du Pukkelpop, mais aussi dans la mienne. Je vous invite à relire l'article de MeteoBelgique à ce sujet. Dans un contexte bien chaud avec un conflit de masse d'air important et des forçages puissants, de très grosses cellules orageuses s'organisèrent sur le pays ce jour-là, notamment dans le centre. Vers 16h30, à Louvain, le ciel s'assombrit brusquement, nous plongeant quasimment dans une ambiance nocturne. Je crains le pire, mais jamais je n'imaginerai ce qu'il va se passer. Cet assombrisement très prononcé se traduit très rapidement par un incroyable déluge accompagné de rafales de vent inouïes. A force de voir ces torrents d'eau se déverser sur la campagne brabançonne, je m'écrie : "Mais on est dans un cyclone ou quoi ?!" J'ai un flash. J'ai l'impression de me retrouver dans ces videos postées sur Internet oû on montre le passage d'ouragans dans les Caraïbes. Ma mère commence à avoir peur. L'eau dégouline du toit et je me rends compte qu'il faut que j'aille surveiller les entrées de la maison. En effet, l'eau commence à s'infiltrer, mais rien de bien grave. Dans le même temps, j'enrage de ne pas avoir à ce moment-là d'appareil-photo à ma disposition. Le phénomène dure bien 30 minutes. Une éternité. Il s'évacue progressivement vers le Nord-Est. Je rallume mon ordinateur. Je découvre que l'amas supercellulaire se dirige vers le Limbourg, la région de Hasselt-Genk. J'ai une pensée pour Pukkelpop. Je me dis : "Ils vont déguster là-bas !". Mais quand je dis ça, je pense à la boue, aux tentes trempées, mais jamais à un scénario-catastrophe ! Vers 19h, le JT de la VRT commence à relater le passage de l'immense orage sur le Pukkelpop. On parle de morts. Un frisson me parcourt l'échîne, quelques larmes me viennent à l'oeil. J'ai été festivalier, il existe forcément une solidarité de fait. Mais je me rends compte que ma phrase "Ils vont déguster" a été prémonitoire sans évidemment penser que cela aurait pu tourner au drame. Encore aujourd'hui, au moment où j'écris ces lignes, cette sensation d'incrédulité et d'horreur me traverse le corps comme une décharge électrique : j'avais "senti" venir quelque chose ...Je dédie ce témoignage à toutes les victimes, leurs amis, et leur famille de cette tragédie. L'hiver 2011-2012, quant à lui,  fut marqué par un grand ennui ponctué d'un belle vague de froid de 2 semaines qui ravit les amateurs de conditions froides avec des minimales de -15° en plaine, et des maximales autour de -5°. De plus, une belle zone de neige nous affecta le 3 février. Voir l'article précédent. A ce moment-là, je n'ai pas hésité à me promener pendant 2 heures, dans 7 centimètres de neige, et par -5°.

Prévisions Meteo Belgique : l'accomplissement d'un rêve

Ensuite, je suis entré dans la danse de Prévisions Meteo Belgique fin mai 2012, et je dois dire que j'en suis ravi car cela me permet aujourd'hui d'exercer mes compétences au sein de cette équipe. A mon époque d'étudiant, j'avais tenté la filière géographie à l'ULB dans le but de me spécialiser dans la météorologie, mais j'ai lamentablement échoué. Ma position dans cette équipe me permet en quelque sort de "réaliser un rêve" grâce à l'invitation de son fondateur (merci à lui !), c'est-à-dire travailler à la diffusion de l'information météorologique, dans un sens pédagogique et de qualité. Je me refuse aujourd'hui à entrer dans une logique de simplification à outrance car ce serait dévaloriser un métier et une branche compliquée mais intéressante. Nous ne pouvons nous permettre de parler, par exemple, de "mini-tornade" alors que nous avons seulement enregistré de grosses rafales. Nous ne pouvons pas parler de températures "polaires" alors qu'il fait -2° sur Bruxelles. Nous ne pouvons pas annoncer qu'il a fait 43° "au soleil" uniquement pour faire croire à un record et faire dans le sensationnalisme.

Conclusion

A travers Prévisions Meteo Belgique, c'est finalement un peu une bataille pour l'information correcte, scientifique, et rigoureuse, que nous menons, en essayant d'être à la pointe dans les avertissements, le suivi des phénomènes dangereux, mais aussi la prévision à long terme. Ce que j'ai un peu voulu montrer ici dans ces quelques mots, c'est que la passion météorologique varie au gré des phénomènes, mais qu'elle s'exprime à travers un investissement humain incommensurable, qu'elle se vit à 1000%, qu'elle nous oblige à nous remettre en question et à apprendre tous les jours, et nous amène à faire des choses incroyables, comme je l'ai expliqué quand j'ai parlé des cyclones ou de la neige de février 2012. Nous sommes certes des extra-terrestres mais animé par un profond sentiment humain de dévouement pour l'information, la prévention, et le progrès scientifique.

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